Nine était agent templier depuis des années déjà. Et jusque là, jamais elle n'avait rencontré un assassin aussi naïf. Matthew Redfield. Se faire passer pour mort, c'était une chose, mais réapparaitre sur le seuil de son ancien appartement, c'était le summum de la stupidité. Alors lorsqu'elle eut vent de cette miraculeuse "résurrection", la blonde crut bon de mener quelques recherches sur les locataires actuels de l'appartement. Une mère célibataire et sa fille d'à peine trois ans. La fille de Matthew d'après ses sources. Agréable surprise lorsqu'elle découvrit que cette Kathleen Barker travaillait pour Abstergo Industries depuis peu. L'approcher s'avéra d'ailleurs relativement facile. Très rapidement, les deux avaient noué un début d'amitié plutôt convaincant. Au final, par moment, Nine se surprit même à apprécier la compagnie de la rousse. Mais sa patience n'étant pas éternelle et Matthew ne donnant toujours pas signe de vie, la jeune femme décida d'opter pour une méthode plus radicale. Si elle menaçait sa petite copine et sa fille, il allait bien finir par sortir de son trou, non ? S'il ne venait pas, elle n'aurait qu'à faire le ménage pour réduire son cœur à néant. Perdre son être le plus cher était souvent plus douloureux que de perdre sa propre vie. Et quoi de plus précieux que son âme sœur et sa propre chair ?

Dans cette optique de commando kidnapping, Nine s'était rendue un beau dimanche matin chez Kathleen Barker et avait fait circulé l'information un peu partout. Matthew finirait par être au courant à un moment ou à un autre. De toutes façons, Il gardait probablement un œil sur les deux pour les protéger. C'était pour cette raison qu'elle avait évité à tout prix d'aller à l'appartement jusqu'à présent. Mais son revirement de plan venait de changer la donne. Avant de sonner, elle prit soins de revêtir un air mi-apeuré mi-désespéré et de feindre quelques larmes. Elle baratinerait quelque chose de triste et de dramatique. La blonde pourrait même tenter de faire passer les assassins pour les méchants de l'histoire. D'ailleurs c'était ce qu'ils étaient : des êtres néfastes à l'humanité. Des "méchants". Si elle pouvait retourner Kathleen et sa fille contre l'assassin, la victoire serait totale. Bref. Après ces prompts préparatifs et munie de son masque de tristesse, la jeune femme sonna enfin à l'appartement de son "amie". La porte s'ouvrit et laissa apparaitre la rousse. « B-Bonjour. Je suis désolée de débarquer comme ça, à l'improviste, mais mais... Je... » Sa phrase était parsemée de soubresauts et elle termina par éclater en sanglots sans pouvoir continuer. Ses talents de comédienne l'étonnaient toujours autant... Et accessoirement, lui étaient toujours aussi utiles.

Assise par terre dans la chambre de la petite, nous étions en train de jouer ou plutôt elle jouait à nourrir sa poupée pendant que je l'observais. Nous étions dimanche, j'avais donc la chance de pouvoir rester avec elle, pas besoin de se déplacer et de la garder loin de moi toute la journée. Il faut dire que depuis quelques jours j'avais encore plus de mal qu'avant pour la laisser chez sa baby sitter. Si à la base c'était déjà quelque chose d’extrêmement difficile, c'était aujourd'hui devenu un véritable défis. J'étais effrayée à l''idée que Matthew me suive, attende que je la laisse pour ma le reprendre, pour m'enlever ma fille. Matthew... Son père, celui que j'avais cru mort pendant trois ans et qui était revenu avec des excuses étranges, avec des explications dénuées de sens. Nous nous étions dit des choses horribles, j'étais même allée jusqu'à souhaiter sa mort. Je ne regrettais rien de ce que j'avais dit, au contraire. J'avais simplement peur que ces mots et le fait que je l'empêchais de voir sa fille le mette en colère, lui donne envie de me la reprendre. Je pensais le connaitre, mais j'avais eu tord, je ne savais donc plus à quoi m'attendre venant de lui.

Après une petite heure de jeu, je la laissais jouer seule dans sa chambre, laissant la porte ouverte pour pouvoir la surveiller. Bien que j'adorais passer du temps avec elle je ne pouvais pas rester assise à ses côtés pendant des heures entières, il fallait bien que je m'occupe de la maison, de préparer le repas, bref, j'avais un tas de choses à faire. A peine ai-je eu le temps de mettre un pied dans le salon que quelqu'un sonna à la porte. Généralement personne ne venait nous déranger le dimanche matin, sans avoir prévenu avant du moins, je ne me doutais donc pas de qui cela pouvait être. Me dirigeant vers la porte, je l'ouvris et vis Nine qui n'avait pas l'air bien. Ce qui restait étonnant à mes yeux était que nous nous connaissions peu, je me demandais pourquoi c'était moi qu'elle venait voir si elle avait des problèmes. Bref, sans me poser plus de questions que nécessaire, je l'écoutais parler puis éclater en sanglot. Que pouvait-elle avoir ? Que devais-je faire ? La prendre dans mes bras ? Peut-être simplement lui demander ce qui lui arrivait ? Sans vraiment réfléchir et sans savoir quoi faire je la faisais entrer avant de refermer la porte derrière elle. Elle n'avait vraiment pas l'air bien et pas une seule seconde je ne pouvais me douter de ce qu'elle avait derrière la tête. Elle paraissait tellement innocente, tellement mal comme ça que je ne pouvais pas m'empêcher de vouloir la calmer, la réconforter. Posant une main sur son épaule, j'essayais de savoir ce qui lui arrivait pour qu'elle se mette dans un état pareil. « Calme-toi et dis-moi ce qui se passe. Qu'est-ce qui t'arrive ? »