Stanley tanguait dangereusement, s'agrippant au mur pour ne pas s'éclater au sol telle une merde chancelante. Cette fois-ci, il avait trop bu, vraiment trop bu jusqu'à en faire exploser son compteur corporelle. Sa chemise d'ordinaire blanche et immaculée gouttait de bière et de vodka sur le pavé de Brooklyn. L'homme grogna, passant une main sur ses yeux qui se fermaient dangereusement ; à vrai dire, à cinq heures du matin ce n'était pas étonnant du tout que la fatigue se fasse sentir. Néanmoins son appartement se rapprochait (enfin il l'espérait) (avec la dose d'alcool qu'il avait dans le sang, il ne savait plus trop où il en était). Ses doigts tâtonnèrent, ses mains cherchèrent une poignée de porte puis une serrure qu'il ouvrit à l'aide de la pair de clé tirée de la poche de sa veste. Un ultime effort et... il entrait dans l'immeuble. Sauf qu'un cruel dilemme s'imposa alors à lui : les escaliers ou l'ascenseur ? D'un côté, les escaliers à gravir, d'interminables marches jusqu'au quinzième étage, mais un réel effort fourni dans la journée... De l'autre, l'ascenseur, outil de ceux qui ne voulait pas se crever à la tâche ; outil des fainéants. Ce que Stanley n'était pas. Il ne se considérait pas comme fainéant, à franchement... les gens qui feignantait à longueur de journée, qui préférait la simplicité et la rapidité à l'effort et à la joie d'une tâche exécutée jusqu'à la fin prenaient des dizaines de kilos trop, trop rapidement. Voilà ce que le policier se disait, planté tel un panneau de signalisation entre l'ascenseur et l'escalier, ses bras le long du corps, ses yeux fixant un point imaginaire juste sur le mur, là, à quelques centimètres du plafond. De loin, n'importe qui se dirait que ce gars devait soit être totalement défoncé, soit totalement bourré. Les deux options pouvaient être plausibles, mais disons qu'un policier devait montrer l'exemple, et non fumer un joins lors de ces soirées entre amis. Stanley resta planté là quelques minutes encore, avant de faire son choix : les escaliers. Il les gravit marche après marche, ne s'essoufflant pas mais manquant de se ramasser la gueule à plusieurs reprises... quel merveilleux assassin faisait-il, chancelant, complètement arraché à la binouze, l'esprit et le corps en vrac. Ses pas le guidèrent jusqu'au quinzième étage, les comptant au fur et à mesure pour ne pas se perdre (même s'il faillit s'embrouiller à partir du neuvième). Stanley ouvrit la porte de son appartement, l'a claquant peut-être un peu trop brusquement lorsqu'il y pénétra. Et merde, pensa-t-il. L'homme avait tendance à oublier que non, il n'était pas seul au monde. Mais que sa charmante petite soeur, Naelynn squattait son appartement depuis que l'argent lui manquait pour s'en dégotter un convenable à ses propres frais. Stanley se débarrassa de sa veste en cuir, la jetant sans un regard dans un coin, peut-être tomberait telle sur le bureau, ou sur le canapé, mais très franchement : il n'en avait rien à foutre. Tout ce qu'il voulait, c'était rejoindre son lit, s'y écrouler et dormir jusqu'au soir. L'assassin retira ses docs martens en reniflant (la nuit avait été trop fraîche pour lui), avant de les balancer quelque part. Il les retrouverait bien le lendemain, si l'envie lui prenait de les chercher. Alors que Stanley s'effondrait sur son divan en cuir diablement agréable pour y taper un petit somme... ces plans furent gâchés par une fois féminine et affreusement aigü à ce moment précis qui lui traversa douloureusement le crâne. Une semaine qu'ils ne s'étaient pas vu, pourtant habitant dans le même appartement, mais ne s'y pointant jamais aux mêmes heures. Malheureusement. Néanmoins, Stanley n'hésita pas à grogner, fermant les yeux avant que la lumière de la lampe ne lui brûle la rétine. « Putain Lynn, tu fais chier je viens de rentrer... » Les yeux clos, il attrapa la première chose qui lui tombait sous la main (un oreiller) et le balança vers Lynn, qu'il entendait très bien à défaut de la voir. Il su qu'il fit mouche en entendant la surface molle ricocher contre le corps de sa petite soeur pendant que celle-ci pestait.

Oh oui, Stanley se sentait bien, très bien affalé dans un canapé confortable à souhait. Il s'apprêtait à s'endormir comme un bébé, bavant sur le cuir sans vergogne en ronflant comme un camionneur. Enfin, ça c'est ce qu'il aurait aimé faire jusqu'à ce qu'une démarche typiquement féminine et bruyante vint le tirer de ses rêves qui venaient à peine de commencer. Il n'eut pas le loisir d'admirer des licornes roses se baladent joyeusement dans des forêts herbeuses de chocolat suisse et de bière à la menthe. Mais non, sa soeur ne voulait pas qu'il dorme sans même lui dire qu'il était de retour. La petite garce, pensa-t-il quand elle avait allumé la lumière. « Non, c'est vrai ? Tu étais parti ? Je ne me suis PAS DU TOUT rendue compte de ton absence ! » Balança-t-elle d'une voix sifflante et probablement furieuse. La main de l'homme s'agita devant elle, lui signifiant que sa présence n'était pas désirée puisqu'il souhaitait se reposer, la tête et les pensées en vrac. Une bonne nuit (journée dans ce cas présent) de sommeil lui ferait le plus grand bien. Quel soulagement ce fut, lorsque les pas de Naelynn s'éloignèrent, loin, loin du salon. Stanley esquissa un sourire de contentement en se rallongeant, calant sa tête entre ses bras en fermant les yeux, tentant d'ignorer la lumière qui éclairait toujours la pièce. Mais son repos fut de courte durée... Naelynn revient, et en traîtresse affirmée renversa un sceau d'eau glacée sur la tête de son aîné, qui sursauta en manquant de tomber du canapé de peur et de surprise. Trempé jusqu'aux os, ses cheveux goûtant sur ses vêtements, sa chemise blanche ne laissait plus rien invisible, lui collant à la peau. Il désoula sur le coup. « Putain Naelynn ! » Il grogna, lançant un regard qui en disait long à sa soeur, qui disait : tu fais chier je voulais juste dormir j'ai mal à la tête tu fais chier tu fais chier. L'assassin se redressa, chancelant quelque peu, retrouvant petit à petit l'agilité de ses membres et ses réflexes qu'il perdait dès qu'il ingérait plus de trois bières. « Qu'est-ce que je ne ferais pas sans toi, franchement. » Lança-t-il, une pointe d'ironie nullement dissimulée dans la voix. En réalité, l'assassin se porterait bien mieux sans sa soeur chiante qui guettait ses moindres faits et gestes, qui l'empêchait de profiter des bienfaits comateux de l'alcool quand il rentrait. A croire que Naelynn ne supportait pas le voir chancelant, l'esprit en vrac de même que ses vêtements et ses paroles, qui se montraient souvent déplacées. Oui, elle ne devait pas aimer le voir complètement arraché, défoncé à la bière ou au whisky. Or, Stanley revenait fréquemment dans cet état, son sang remplacé par l'alcool et son cerveau s'y noyant. D'un côté, il comprenait la rage de sa cadette. Une semaine qu'il avait disparu, sans donner aucune nouvelle, aucun message, aucun appel... mis à part un je rentre bientôt, t'inquiètes pas quelques minutes avant de s'en aller.

« Et tu me feras le plaisir de nettoyer tes saloperies, Lynn. » Du doigt, il désigna son canapé de cuir, qui soit-disant passant lui a coûté une fortune, trempé par le sceau d'eau qu'elle avait renversé sur sa tête. Stanley attendait que la cadette nettoie tout ça, et rapidement avant que l'eau ne s'infiltre trop profondément dans les coins du canapé, le rendant inutilisable. Pendant ce temps, il retira sa chemise humide et la balança dans le bac à linges sales. L'assassin n’éprouvait aucune gêne à s'exhiber à moitié nu devant Naelynn, une femme qui restait malgré tout sa soeur. De sombres pensées incestueuses n'avaient pas lieu d'être, même s'il avouait qu'elle était très très belle, pour son âge. Enfin... n'y pensons pas, avant que les dernières gouttes d'alcool qui subsistaient dans les veines de Stanley ne causent du tord. Le policier n'avait plus sommeil : le sceau d'eau acheva de le réveiller. Il se rendit jusqu'à la télévision pour en attraper la télécommande et se poser devant des dessins animés pour les enfants avant que... « Naelynn Aurora Wildworth... » Lorsqu'il l'appelait pas son nom entier, ce n'était jamais bon signe. « Qu'est-ce que c'est que ça ? » Du bout des doigts, ramassant ce truc avec des pincettes, et surtout avec un mouchoir tiré de sa poche, il lui présenta une capote. Qui n'était pas vide, et certainement pas remplie par lui.

Stanley grinçait des dents, alors que la colère s'emparait doucement de son être. Sa soeur abusait, franchement. Un préservatif. Un putain de préservatif qui traînait près de la télévision. L'assassin se demandait parfois comment serait la maison de sa petite soeur, s'il n'était jamais là. Enfin... il n'est jamais là, certes mais se coltine le ménage, retrousse ses manches et s'attaque à la vaisselle heureusement peut nombreuse puisqu'ils n'étaient que deux. Stanley lâcha un grognement d'agacement à la réponse catégorique et mensongère de sa petite soeur, comme quoi se serait lui qui aurait prit du bon temps un peu partout dans la baraque à l'entendre, avec une autre pouffiasse ramassée dans un bar. Naelynn n'hésitait jamais à l'engueuler, à croire que l'aîné n'était qu'un gamin irresponsable qui avait besoin de sa soeur pour se substenter et ne pas crever dans sa propre pisse. Bon... sans elle, il ne saurait pas trop quoi manger le midi et se crèverait sûrement la santé à choisir la facilité, à savoir : les fast foods. Tout comme le linge, ça, il ne savait pas vraiment le gérer. Stanley se débrouillait toujours pour finir avec son armoire vidée, la totalité de ses frippes dans le bac à linges sales, attendant sagement d'être laver par des mains expertes (à savoir celles de Naelynn). « Fou toi d'ma gueule, Naelynn. J't'avais interdit de ramener des gars à la maison. » L'assassin renifla : possessif à l'excès, il ne supportait pas que quelques connards viennent simplement tirer un coup avec sa soeur. Elle n'était pas une pute, par tout les dieux ! Naelynn méritait quelqu'un de respectueux, gentil, prévenant, bref, un homme comme son frère. Le policier se rapprocha de la jeune femme, menaçant, plongeant son regard bleuté dans le sien. « Si j'revois qu'un gars a traîné ici, j'lui pète la gueule. T'inquiètes pas que je le retrouverais. » D'une voix d'outre tombe, il n'avait aucune hésitation à la menacer. Il ne pensait qu'à sa sécurité. Même s'il ne l'avouait pas clairement, Naelynn devait le deviner aisément, elle ne le connaissait que trop bien. Et elle savait qu'il l'aimait vraiment, comme un frère aime sa soeur, comme un frère protège sa soeur coûte que coûte, quoi qu'il arrive peut importe dans quelle emmerde elle se fourre. Stanley sera toujours là, toujours, peut importe si ça lui fait perdre son job, il s'en fout.

Le policier faillit s'affaler dans son canapé en soupirant, avant de se souvenir qu'il baignait dans l'eau que Lynn avait renversé sur sa tête. Il grommela un putain rageur en sachant que sa petite soeur ne nettoierait pas. Stanley retroussa les manches de son haut, allant chercher un tissu pour éponger son précieux canapé avec une délicatesse certaine : c'est qu'il ne voulait pas le voir foutu, surtout pas par la faute de sa foutue petite soeur. « Tu fais chier, Naelynn. J'te rappelle que j'accepte gracieusement que tu squattes mon appart', et tu te permets de le foutre en bordel. D'accord... je suis parti une semaine pour... il hésita quelques secondes. pour le boulot, mais tout de même ! » Non, elle ne devait pas savoir la véritable raison de son absence ; qu'il faisait parti de la confrérie des assassins.