Dure journée. Longue surtout. Je travaillais depuis peu et être éloignée de ma fille était compliquée. Plus les journées étaient longues, plus c'était compliqué pour moi. Elle grandissait vite, beaucoup trop vite. J'avais l'impression qu'hier encore elle n'était qu'un bébé, qu'elle ne marchait pas encore, qu'elle ne parlait pas. Aujourd'hui elle faisait tout ça, elle était adorable. Heureusement qu'elle était là, sans elle je ne serai pas là aujourd'hui, je n'aurais jamais réussi à tenir, à me débrouiller. En sortant du boulot, j'allais la rechercher chez sa baby-sitter, montant en voiture, je l'écoutais essayer de me raconter ce qu'elle avait fait pendant que j'étais partie travailler. Arrivée en bas de notre immeuble, je descendais la petite de la voiture, la prenant dans mes bras, elle insistait pour monter les escaliers toute seule. Encore une preuve que la petite grandissait, elle commençait à vouloir faire des petites choses par elle-même, mais elle restait tout de même une très jeune enfant. La prenant par la main, nous montions doucement les marches d'escaliers une à une jusqu'à arriver devant la porte d'entrée. Sortant les clés de ma poche, j'ouvrais la porte, tenant toujours la main de ma fille, je me stoppais net en voyant que quelqu'un était là, planté devant la porte, face à moi. Lui. Comment était-ce possible ? Comment pouvait-il être là alors qu'il était censé être mort ? Pourquoi avait-il fait ça ? Pourquoi était-il ici, chez moi ? Comment avait-il osé tout simplement ? Il me saluait aussi simplement qu'on saluait un ami lorsqu'on le croisait dans la rue, un ami qu'on avait vu récemment, un ami à qui on n'avait pas fait croire à sa mort. Lâchant la main de la petite, je lui demandais d'aller dans le salon rapidement. A son rythme, elle s'en allait doucement, regardant Matthew. Elle ne le connaissait pas, elle ne l'avait jamais vu. Il n'était rien d'autre que son père biologique. J'étais sa seule vraie famille ici. J'étais celle qui l'avait élevée, c'était tout ce qui comptait. Une fois la petite sortie de l'entrée, je regardais enfin Matthew. Serrant mon poing, je ne trouvais rien de mieux que de lui envoyer en pleine figure. « Qu'est-ce que tu fais chez moi ? Qu'est-ce que tu fais là ? Tu n'es pas censé être mort ? Tu mériterai que je te tue moi-même et tout de suite. » Étrange n'est-ce pas lorsqu'on se rend compte que celui qu'on aime est vivant, mais je ne pouvais pas avoir d'autres réactions. Beaucoup aurait réagi autrement, moi très étrangement. « Comment tu as pu me faire ça ? »

Le frapper. Je ne voyais pas de meilleure solution. A vrai dire, comment aurais-je pu réagir ? Lui sauter dans les bras, lui dire qu'il m'avait manqué ? Jamais. Jamais il n'aura le droit d'entendre ces mots. Il m'avait fait souffrir, je me fichais de ses raisons. Se faire passer pour mort, c'était la seule chose que je ne pouvais pas lui pardonner, peu importe pourquoi. Il m'avait fait souffrir comme personne jusqu'à présent ne m'avait fait souffrir. A cause de lui, ma fille n'avait pas de père. Oh ça non, elle n'avait pas de père et à mes yeux, elle n'en aurait jamais. Il commençait à parler, à se trouver des excuses. Il n'avait pas le choix. Pour ceux qu'on aime on doit toujours avoir le choix. On doit faire passer son amour avant tout autre chose, sinon à quoi bon aimer ? Je m'étais foutue dans le pétrin ? Comment le savait-il ? Il m'espionnait ? Cet idiot m'abandonnait et osait se renseigner sur ce que je faisais. il n'avait jamais eu le courage de tout m'avouer, il avait préféré fuir et se faire passer pour mort. J'avais vécu avec un lâche. Je lui interdisais de me donner des ordres ou des conseils, peu importe comment il appelait ça. « Déjà je t'interdis de parler de ma fille comme de la tienne. Je te jure que si tu oses dire encore une fois que c'est ta fille ou si ose l'approcher ou ne serait-ce que lui parler, je te tue... C'est clair ? Et je te jure que ce n'est pas une blague. Ma fille n'a pas de père. Je ne te laisserai jamais t'en approcher. » Je le menaçais en le pointant du doigt. Un lâche, un menteur, un monstre... La petite n'avait pas besoin de ça. « Tu m'espionnes ? Comment tu sais où je travailles ? Je n'ai besoin de personne pour me défendre ou pour me dire quoi faire. Je continuerai à faire ce dont j'ai envie, à aller travailler où je veux et tu sais quoi, peu importe ce qu'ils font ou ce qu'ils ont voulu faire... » Quitte à mettre ma fille en danger ? Peut-être pas, mais je n'étais plus avec Matthew, je ne comptais pas me remettre avec lui alors je ne courais plus aucun danger. Puis ces histoires me semblaient légèrement folles. « Tu n'as à me protéger de personne. Je ne veux plus jamais te voir. Tu pars, tu m'oublies, tu me laisse tranquille. Tu as été lâche. Tu aurais du tout me dire avant au lieu de fuir. Quel genre d'homme abandonne sa famille soi-disant pour la protéger ? Tu voulais me protéger ? Tu restais avec moi, on aurait été vivre ailleurs, on aurait fait je ne sais pas, ce que tu veux, mais fuir et me faire croire à ta mort... Tu penses vraiment que c'était la solution ? »

Soit je lui faisais réellement peur, ce dont je doutais, soit il n'aurait jamais voulu de cet enfant s'il était resté ici puisqu'il ne faisait aucun effort pour me convaincre de le laisser la voir. Peut-être pensait-il que j'avais raison, tout simplement ? Ou qu'il ne voulait pas me contredire, pas maintenant du moins ? Laissant ce sujet de côté, on passait à autre chose. Il me surveillait ou je comprenais mal ? Comment pouvait-il savoir où je travaillais ? Ce n'était pas comme ci j'avais fait passer une annonce dans le journal. J'avais juste l'impression d'être en train d'halluciner. Je ne comprenais rien, qui se tenait au courant de quoi ? Mais il était quoi exactement ? Quel mot avait-il utilisé tout à l'heure ? C'était quoi son boulot exactement ? J'avais l'impression d'avoir un agent secret, un espion ou je ne sais quelle connerie face à moi. Il fallait qu'il m'explique tout dans le détail, il fallait qu'il me laisse le temps de comprendre parce que j'allais devenir folle. J'avais l'impression d'être face à un enfant qui me racontait une histoire sans aucun sens. Une fable, rien de plus. Des assassins, l'entreprise où je travaillais, des tueurs ? Des gens qui pourraient s'en prendre à moi ? On était où là exactement ? Dans le monde réel ou dans le dernier film d'action sorti au cinéma ? Je devais réellement avoir peur et prendre tout cela au sérieux ou lui claquer la porte au nez en lui disant d'aller se faire voir ?

Comment pouvait-il dire que je mettais la vie de ma fille en danger ? Comment osait-il me juger ? J'étais seule en train d'élever une enfant, il fallait bien que je travaille, non ? Je n'allais pas nous laisser mourir de faim sous prétexte que monsieur trouvait mon boulot, ou l'entreprise plutôt, dangereux. « Des informations ? Quelles genres d'information ? Que par exemple cette entreprise, pour je ne sais quelle raison, doute de ta mort ? » Il était vrai que j'étais déjà aller fouiller, mais je ne m'étais pas fait prendre et il n'y avait aucune raison que ça arrive un jour. « C'est quoi exactement cette entreprise ? Et toi, tu travailles pour qui ? Tu fais quoi ? C'est juste impossible tout ce que tu me racontes. Mon pauvre vieux, tu n'as donc trouvé aucune autre excuse à ton départ ? Tu n'es qu'un pauvre type, un lâche. Je me demande comment j'ai fait pour tomber amoureuse de toi, je ne suis qu'une idiote. » Soupirant, je regardais derrière lui, la petite revenant vers nous, elle devait nous entendre parler fort, elle se demandait surement ce qui se passait. Passant devant Matthew pour la prendre dans mes bras, je me retournais vers lui pour continuer. « Et me faire croire à ta mort ? Tu crois que ça a été facile pour moi ? Tu crois que j'ai préféré ça ? Tu ne pouvais pas m'obliger à te suivre, mais tu avais le droit de m'imposer ta mort, de me faire souffrir ? Tu ne penses pas qu'il aurait été plus simple de m'en parler ? Regarde ce que tu as raté... Si tu n'avais pas été lâche, on aurait eu notre famille, elle aurait eu un père, je n'aurais pas souffert à cause de toi. » J'avais raison, j'en étais convaincue. Fuir n'avait jamais été la solution, pour rien, il fallait affronter les problèmes en face aussi dangereux soient-ils. Il n'avait pas le droit de m'abandonner, peu importe le danger ou je ne sais quoi. Il avait prétendu m'aimer et j'avais toujours trouvé ça ridicule les gens qui prétextaient faire des choses pour protéger l'autre, lorsqu'on s'aimait on devait tout faire ensemble, affronter ensemble et pas abandonner et choisir la facilité.

J'hallucinais. Vraiment. Il ne me laisserait pas tranquille tant que je bossais là-bas ? Avait-il conscience que j'étais libre de faire ce que je désirais ? D'une part je n'étais plus avec lui et d'autre part, même avec lui, jamais il ne m'aurait imposé une chose, jamais je ne l'aurais accepté. « Je vais continuer à travailler là-bas que tu le veuilles ou non. Tu vas faire quoi ? Me suivre tous les jours pour être certain que je ne me fasse pas tuer ? C'est ridicule, tu t'en rends compte ? Je t'interdis de rester ici, de me surveiller ou je ne sais quoi. Je suis libre de faire ce que je veux, tu n'as aucun conseil à me donner. Je dois gagner de l'argent pour élever ma fille et cet argent je le gagnerai comme je veux. Maintenant tu as le choix, soit tu me laisses tranquille, soit tu auras de véritables problèmes. » Pas certaine que les menaces fonctionnent avec lui, mais après tout je n'avais rien à perdre à essayer.

(je te préviens avant que tu ne lises, ça doit être plein de fautes, je n'ai pas du tout relu ^^)

Il était vrai que j'avais déjà vaguement fouillé, mais juste un petit peu, histoire de savoir où je mettais les pieds. Puis il fallait dire que la curiosité était toujours plus forte que tout, je ne pouvais m'en empêcher, c'était plus fort que moi. Je n'en étais pas à ma première fois et ce ne serait certainement pas la dernière, il y avait évidemment un risque de me faire prendre, mais j'avais l'habitude et j'avoue qu'à force j'avais pris confiance en moi, un peu, j'en étais moi-même convaincu. « Je suis tombée accidentellement sur ces dossiers. Puis, je fais encore ce que je veux semble-t-il, tu aurais du penser à ma sécurité avant de te casser je ne sais où. Il est trop tard maintenant, si j'ai envie de me mettre en danger je le ferai. Et tu sais quoi ? Je vais continuer à fouiller leurs dossiers, je leur laisserai un petit mot en passant pour leur dire que l'idiot qui m'a servi de petit ami est de retour et que s'ils pouvaient lui arracher la tête pour moi, j'en serai heureuse. » Pas très sympa ? Je le sais. Mais imaginez-vous cette scéne : vous avez passé une année de votre vie avec quelqu'un que vous aimiez plus que tout, un jour on vous apprend sa mort, vous êtes dévasté, mais vous devez tenir parce que vous êtes enceinte. Votre vie est compliqué, entre un enfant et un deuil impossible à faire, vous vous renfermez sur vous même, vous ne voyez plus personne sauf votre enfant, vous êtes incapable de refaire votre vie et un jour celui que vous croyez mort apparait, comme ci de rien était, le sourire aux lèvres, pensant certainement que vous allez vous jeter dans ces bras, tout ça pourquoi ? Parce que vous êtes en danger à cause de lui, comme ci vous n'aviez pas déjà assez souffert par sa faute. Croyez-moi vous auriez envie de lui faire arracher la tête, de le tuer, de le faire souffrir, bref un tas de jolies options possibles.

« Je ne veux pas t'écouter ? Je ne veux pas t'écouter ? » oui je répétais la même chose, mais j'avais l'impression d'être en train de rêver, ou plutôt cauchemarder. Maintenant c'était moi qui ne voulait pas l'écouter. Etais-je obligée de boire ses paroles, de croire en tout ce qu'il disait, de laisser monsieur parler, de l'excuser ? A moins d'être la dernière des idiotes je pouvais, mais pour le coup ce n'était pas le cas. « Le problème ne serait pas plutôt que tu ne sais plus quoi inventer ? Lâche et menteur jusqu'au bout. » Est-ce qu'il pouvait inventer un mensonge comme celui-ci ? Une seule réponse possible : oui. « Tu n'as pas une aussi grande imagination, incapable d'inventer ce genre de mensonge ? Pourtant quand il s'agit de te faire passer pour mort, de créer ta propre mort, là bizarrement le cerveau de monsieur s'illumine d'idées plus ingénieuses les unes que les autres. Alors excuses-moi, mais quelqu'un capable d'inventer sa propre mort et capable de bien des choses. »

La petite arrivait, certainement intriguait par les cris. Puis elle devait se demander qui était cet homme qu'elle n'avait jamais vu, beaucoup trop habitué aux mêmes personnes, aux mêmes visages. Bref, reprenant de plus belles malgré la présence de la petite, chacun de ses mots me donnaient envie de le tuer, maintenant, tout de suite et de mes propres mains. Heureusement que la petite était dans mes bras, sans quoi je me serai jetée sur lui et pas pour lui montrer que j'étais heureuse de le revoir, au contraire. « Ça n'a pas été facile pour toi ? Tu veux que je verse une larme pour ce grand malheur ? Que je te prenne dans mes bras et que je te dise que je te pardonne tout aussi, non ? Puis tant qu'on y est, je te prépare un bon petit truc à manger et on discutera de tout ça devant un bon film ? Tu crois que j'ai envie de te plaindre ? Monsieur a été malheureux, monsieur n'avait qu'à y réfléchir à deux fois avant de fuir. Tu n'es pas celui qui est à plaindre dans l'histoire. Tu me dégoutes. » J'avais raison, non ? Fuir n'était pas une solution, il l'avait choisi, il me l'avait imposé, tant pis pour lui. Il méritait ce qu'il avait vécu, il méritait ce qu'il allait vivre.

Je refusais de quitter mon emploi. Après tout, il m'avait menti tellement souvent que je ne pouvais plus le croire. Puis il n'avait pas le droit de débarquer, de prétendre que l'endroit où je travaillais été dangereux et après, il ferait quoi ? Il allait repartir bien gentiment. Voilà qu'il était agressif avec moi maintenant, mais de mieux en mieux tient. C'était quoi la prochaine étape ? Il avait littéralement pété les plombs là, ce n'était pas possible autrement. Nous ne devions pas nous disputer devant Lou, nous n'avions pas le droit, elle ne comprenait rien, regardant Matthew, elle me demandait si c'était son père alors qu'il était en train de terminer sa phrase. Ce fut de trop. Oui, le fait qu'elle pense avoir son père face à elle, le fait qu'elle puisse comprendre, qu'elle puisse peut-être espérer voir son père, celui dont je lui parlais souvent le soir, alors qu'il n'était pas celui que j'avais rencontré me mettait hors de moi. La déposant par terre, je giflais Matthew, moins violent que le coup de poing du début. M'approchant de lui et passant devant lui j'allais ouvrir la porte, lui montrant du doigt : « J'espère qu'ils t'auront avant de m'avoir dans ce cas, que je puisse profiter de ce sentiment de soulagement une fois que tu seras réellement mort, que je puisse être heureuse ne serait-ce qu'un instant, même si je dois mourir la seconde qui suit, je veux pouvoir profiter de cet instant. » J'étais horrible, il l'avait été à plus d'une reprise avec moi, de plus dire ce genre de chose devant ma fille, c'était un monstre, il le méritait. « Maintenant tu sors d'ici, tu oublis cette adresse, tu m'oublies et tu l'oublies elle, c'est clair ? Tu ne remets plus jamais les pieds chez moi, sinon je te tue. »