Le réveil avait été compliqué. Plus que compliqué même. La veille j'avais eu le droit au retour de mon ancien petit ami censé être mort. Surprenant n'est-ce pas ? Un fantôme ? Un esprit venant me hanter ? Non non même pas, juste un être humain, en pleine forme, un être humain menteur, un monstre, pourrait-on dire, qui avait osé me faire croire à sa mort. Avouez que cette blague était vraiment très drôle. J'y penserai la prochaine fois que je devrai en faire une à quelqu'un. Bref, une bonne partie de ma nuit avait été consacré aux souvenirs, je me souvenais de l'homme que j'avais connu et aimé et de l'homme que j'avais vu la veille. Deux personnes totalement différentes, si j'avais pu aimer la première, je détestais la seconde. Puis j'avais peur, je ne savais plus qui il était, comment il pouvait se comporter, ses histoires m'avaient fichu la trouille et j'avais peur de sa réaction. J'avais peur pour Lou aussi, surtout pour elle en faite. Bref, histoire de nous changer les idées, j'avais décidé que nous irions toutes les deux piqueniquer dans le parc. Puis je préférai être éloigner de l'appartement aujourd'hui, au cas où Matthew se décidait à revenir. Vérifiant qu'il y avait tout ce qu'il nous fallait dans le frigo, je réveillais la petite, lui annonçant le programme de la journée. Elle en semblait contente et j'en étais heureuse. Après l'avoir préparé je lui donnais un petit sac pour qu'elle y mette quelques jouets pendant que moi je nous préparais de quoi manger et boire. Une fois ses jouets préparaient et le repas fait, je mettais tout dans le même sac, prenant soin de prendre une couverture afin de la poser sur l'herbe. Le sac sur le dos, j'attrapais la main de la petite, fermais la porte. Une fois en bas des escaliers je dépliais la poussette pour y installer Lou. Bien qu'elle aimait beaucoup marcher, ces petites jambes ne supporteraient pas un aller-retour, d'autant plus qu'elle allait surement beaucoup courir dans le parc et qu'elle serait vite fatiguée. Ne pouvant pas la porter pendant tout le trajet, j'étais prudente et je prenais donc la poussette. Bref, je n'avais plus qu'à espérer passer une bonne journée, loin des problèmes qui m'attendaient et juste profiter avec ma fille de cette belle journée. J’espérais également qu'elle oublie ce qui s'était passé la veille avec son père. Elle nous avait entendu crier et dire des choses horribles, je préférai éviter les questions et lui faire oublier.

Arrivée au parc, je la sortais de sa poussette pour la faire s'asseoir sur un banc. Lui donnant un peu à boire avant d'aller jouer, nous regardions les gens passer. Une occupation comme une autre, après tout. Je la voyais pensive, elle ne m'avait pas parlé pendant le trajet et c'était quelque chose de rare. Lou adorait me raconter des histoires, comme je faisais avec elle. Elle adorait me raconter ce qu'elle voyait, là rien, pas un mot. Peut-être fatiguée ? Je l’espérais. Sortant de mes pensées, j'entendis le ventre de la petite faire du bruit, elle avait faim. Quand je lui disais de manger le matin, elle n'avait qu'à le faire au lieu de vouloir n'en faire qu'à sa tête pour jouer à faire la grande fille. « Qu'est-ce que je t'ai dit ce matin Lou ? De manger quelque chose avant de partir. Je te l'avais dit que tu aurais eu faim. » Et ouais, elle ferait pas mal de m'écouter un peu plus souvent, mais elle était encore jeune et ce n'était rien de grave. Sortant un biscuit du sac, je lui tendais, attendant un merci. « Un seul, sinon tu ne mangeras plus rien ce midi. » J'avais fait déjà beaucoup trop pour nous deux, alors si en plus la petite n'avait pas faim, j'allais rentrer avec un tas de trucs.

Changeant totalement de sujet, elle se tourna vers moi pour me poser la question que j'évitais à tout prix depuis hier. Qui était la personne qui était à la maison. Je ne pouvais pas lui dire la vérité, elle ne comprendrait pas, j'allais devoir inventer un mensonge. « Quelqu'un qui travaille avec moi. Je lui ai rendu quelque chose en retard alors on s'est disputé, mais il ne viendra plus à la maison. Il va nous laisser tranquille maintenant. » L'excuse n'avait aucun sens, mais à son âge tous les mensonges passaient, elle ne comprenait pas tout, elle n'avait certainement pas saisi tout ce que nous nous étions dit et tant mieux d'ailleurs. Malgré tout, j'aurais préféré qu'elle ne voit jamais cet homme, qu'elle ne me pose jamais ses questions. Je ne savais même pas comment j'allais faire. Moi qui avait pour habitude de lui raconter des histoires sur son père, des histoires le montrant comme quelqu'un de bien, j'en serai incapable à l'avenir, elle finirait certainement par s'en rendre compte. Ou alors elle oublierait, après tout elle était jeune et à son âge on ne retenait pas grand chose pour plus tard.

Se mettant debout, après avoir terminé son biscuit, la petite m'attrapa la main et attrapa le sac. Elle voulait certainement aller jouer. Après tout nous étions venue là pour ça, non ? Pour nous amuser un peu et profiter. Lui reprenant le sac des mains, j'en sortais le ballon, passant derrière le banc avec elle, je posais le sac à mes pieds et mis le ballon par terre, tirant doucement dedans, je laissais la petite courir pour aller le rechercher. « Bah alors, tu veux me laisser gagner ou quoi ? » J'essayais de lui parler d'autre chose, de n'importe quoi, simplement pour qu'elle oublie ces questions et cet homme. Qu'elle puisse profiter, qu'elle puisse s'amuser, passer une bonne journée.

Nous étions arrivées au parc, je donnais une goute à boire à Lou, puis elle me réclamait un biscuit. Elle n'avait pas voulu manger avant de partir, je l'avais pourtant prévenu. Mais bon, je lui donnais tout de même un biscuit, précisant que ce serait le seul afin qu'elle mange le midi. Puis elle me posa une question d'un tout autre genre, je savais qu'elle était pensive depuis hier, elle ne parlait que très peu et ce n'était pas dans ses habitudes. Lou posa donc cette fameuse question. Qui était l'homme qui était chez nous la veille ? Je ne pouvais pas lui dire que c'était son père, elle ne comprendrait rien. Je lui mentais donc parlant d'un collègue de travail furieux à cause d'un travail rendu en retard. C'était totalement faux, mais pour une enfant de son âge, le mensonge passait parfaitement, elle ne pouvait pas s'imaginer une seule seconde la vérité qui était déjà bien étrange pour moi qui était adulte. La petite me demandait alors s'il était méchant parce qu'il lui avait fait peur. Ce que je pouvais d'ailleurs très bien comprendre. A son âge entendre un étranger crier devait en effet être effrayant. Puis elle semblait s'inquiéter de savoir s'il m'avait fait ou non du mal. Cette petite était merveilleuse. Elle pensait à sa mère même lorsqu'elle avait peur, elle s'inquiétait pour moi. Tous les enfants étaient peut-être ainsi. Je me devais donc de la rassurer pour qu'elle oublie tout cela et qu'elle puisse passer à autre chose : « Mais non, il était juste en colère. Tu sais comme moi parfois je cris parce que je suis en colère, lui c'est pareil. Et non, il ne m'a pas fait de mal, tu sais bien que je ne me laisse pas faire. » Essayais-je de terminer avec une pointe d'humour pour la faire sourire et passer à autre chose.

Nous nous levions toutes les deux pour aller sur l'herbe, derrière le banc, pour jouer. Je sortais le ballon du sac puis je commençais à tirer dedans, doucement, pour que la petite puisse courir après et jouer avec moi. Je lui demandais alors si elle voulait me laisser gagner puisqu'elle ne l'avait justement pas rattrapé. Elle prétendait alors qu'elle allait gagner, ce qui me fit sourire. En allant rechercher le ballon, elle me le lança de nouveau et ce fut à mon tour de ne pas le rattraper. Lou eut donc pour réaction de me poser la même question que celle que je lui avais posé. Ce qui me fit rire. Elle retenait et répétait tout. C'est pour cela qu'il fallait veiller à ce qu'on disait. « Bah oui, je suis obligée de te laisser gagner, sinon tu serais tout le temps en train de perdre. » Pas très sympathique n'est-ce pas ? Enfin c'était simplement pour rire et la faire sourire.

Lou lâcha rapidement le ballon pour se mettre à courir et crier partout. Cette enfant pouvait être effrayante parfois. Je la laissais donc une minute avant qu'elle ne me demande de la rattraper. Je me mis donc à courir pour l'attraper. L'attrapant, je la prenais dans mes bras : « Voilà, j'ai encore gagné. » Ça me faisait plaisir de la voir s'amuser et rire comme ça. Elle avait l'air de bien profiter et c'était le but de cette journée. La reposant par terre en continuant de lui sourire, je la regardais pendant qu'elle me demandait si elle pouvait retirer son gilet, elle avait chaud. Par la même occasion, elle voulait boire quelque chose. Eh bien, elle qui venait déjà de boire quelque chose quelques minutes auparavant. En même temps il faisait effectivement chaud d'autant plus lorsque l'on courrait comme une folle, comme elle venait de le faire à l'instant. Puisqu'elle s'était assise sur l'herbe, je me baissais pour lui retirer son gilet. Le gardant dans mes bras, je lui sortais de quoi boire du sac. En me retournant je la voyais allongée dans l'herbe, m'approchant doucement avec sa boisson, je m'agenouillais pour voir ce qu'elle était en train de faire. Elle avait vu une coccinelle et elle l'avait prise dans sa main. Je l'entendais rire, ça me faisait du bien à chaque fois. Bref, Lou se tourna vers moi en me demandant de faire un vœu avant que la coccinelle ne s'envole. Je fermais donc les yeux une petite seconde pour faire ce qu'elle m'avait demandé. Puis ouvrant de nouveau les yeux, je me contentais d'un : « C'est fait. Tu peux la laisser partir maintenant. » Bref, je lui donnais de quoi boire par la suite en lui demandant si elle s'amusait bien : « Alors tu t'amuses bien pour l'instant ? » Lui souriant tout en rangeant son gilet dans le sac, je continuais. « Si tu continues comme ça, tu ne tiendras plus debout à midi tu sais. » Je disais cela, mais ça me faisait plaisir de la voir s'amuser. « Alors qu'est-ce que tu veux faire après ? » C'était sa journée, à elle de dire ce qu'elle voulait faire.